Pour moi, rien n’est plus gratifiant que de voir des gens lire mes romans dans le métro ou dans le bus. La littérature populaire – celle de Marcel Pagnol, d’Agatha Christie, de Barjavel et de Stephen King. – est celle qui, enfant, m’a donné le goût de la lecture. C’est celle des raconteurs d’histoires et du plaisir de lire.
Je n’ai donc aucun complexe à être un auteur « populaire », et j’en tire plutôt une grande fierté. A chaque fois que je rencontre le public lors des séances de dédicaces, je suis surpris par sa diversité : des lecteurs de tous les âges et de tous les sexes, mais plus particulièrement un lectorat de jeunes adultes et d’adolescents. C’est peut-être ce qui m’a le plus étonné : parvenir à toucher une génération réputée préférer les jeux vidéos et les BD à la lecture.
Je cherche toujours à écrire des livres que j’apprécierais en tant que lecteur. J’aime être happé par une histoire au point de ne plus pouvoir poser le livre que je suis en train de lire. Aussi, lorsque je construis mes histoires, je suis très attentif aux rebondissements et à la montée du suspense. J’aime que chaque page en appelle une autre et que chaque fin de chapitre donne envie de lire le suivant. Je cherche à être inventif, à mettre en place un découpage quasi cinématographique de mon histoire, sans pour autant sacrifier la profondeur de mes personnages.
Je travaille beaucoup sur leur « biographie ». J’ai besoin de les connaître parfaitement pour rentrer en empathie avec eux et pour qu’au cours du processus d’écriture se produise cette alchimie mystérieuse qui va faire naître l’émotion. Au bout du compte, c’est cela qui m’intéresse vraiment : le petit frisson que ressentira le lecteur lorsqu’il aura tourné la dernière page. C’est ma définition de la littérature « chair de poule ».
Pouvez-vous nous présenter ce nouveau roman, Seras-tu là ?
Je suis parti d’une interrogation très simple : si on nous donnait la chance de revenir en arrière, que changerions-nous dans notre vie ? C’est en tout cas la question à laquelle est confronté Elliott, un jeune médecin idéaliste, lorsqu’un vieil homme débarque dans sa vie en prétendant être lui, dans trente ans ! Ce double plus âgé affirme connaître son avenir.
A la lumière de ce que sera son futur, Elliott se met alors en tête de changer son destin… Ce qui m’a intéressé, c’est de mettre en scène un face-a-face entre un homme et lui-même, à deux âges de sa vie. L’un a l’expérience, l’autre a la jeunesse, l’un a le savoir, l’autre le savoir-faire, l’un veut sauver sa fille, l’autre veut sauver la femme qu’il aime… C’est de cette confrontation que vont naître l’unité et la vérité de cet homme.
Pour organiser ce « face-à-face » à trente ans de distance, vous abordez le thème du voyage dans le temps. D’où vous est venue cette idée ?
Depuis tout petit, je suis fasciné par les histoires de voyage dans le temps. De H.G. Wells a Retour vers le Futur, c’est un argument classique de la littérature et du cinéma qui permet d’aborder de façon ludique l’idée plus grave de l’irréversibilité du passage du temps. Le surnaturel me permet ici de traiter le thème de la deuxième chance et d’ouvrir une réflexion sur la responsabilité de nos choix, les aléas du destin et l’opportunité d’en modifier la trajectoire.
Pour beaucoup de philosophes, le passé et le futur sont en effet les deux plaies qui minent notre vie quotidienne. Nous sommes constamment tiraillés par, d’un côté, la nostalgie et les regrets liés au passé et, de l’autre, l’espérance et les projets liés au futur. Le risque étant bien entendu de passer à côté de la seule « vraie » vie : celle du moment présent.
Comment avez-vous travaillé pour écrire Seras-tu là ?
Le livre se passe en partie à San Francisco, il était donc important que j’aille sur place m’imprégner de l’atmosphère californienne. Tout comme New York, San Francisco est une ville bien particulière, plus proche des cités européennes que des villes américaines. L’endroit fut un haut lieu de la contre-culture dans les années 60 et garde encore aujourd’hui une certaine tolérance et une vraie douceur de vivre qu’on ne retrouve pas ailleurs. Pas étonnant que les Américains l’aient surnommée « everybody’s favourite city ».
D’autre part, une grande partie du roman se passe dans les années 70, ce qui a nécessité un vrai travail de documentation. Je suis né en 1974. Les années 70 sont celles où mes parents avaient trente ans. J’ai donc commencé par ressortir tous leurs vieux albums photos ! Puis je me suis pris au jeu et je me suis immergé dans cette époque, compulsant des dizaines d’ouvrages, visionnant tous les films importants de la période et dévalisant les rayons des disquaires pour me procurer les CD des musiciens qui tenaient le haut du pavé dans ces années-là : Hendrix, Clapton, Springsteen. J’ai beaucoup appris sur cette époque passionnante, trait d’union entre l’idéalisme des années hippies et le cynisme des années 80.
Quelles sont vos admirations littéraires et artistiques?
Du côté des classiques, j’aime des livres plus que des auteurs : Belle du Seigneur d’Albert Cohen, Le Hussard sur le toit, de Jean Giono, La Tache, de Philip Roth. Quant aux auteurs qui m’ont influencé : ceux de thrillers américains (Ludlum, Follet, Grisham) pour leur efficacité, Stephen King pour son habileté à faire surgir le surnaturel dans le quotidien, et chez les auteurs français Pagnol et Barjavel, des auteurs populaires que la critique n’a pas toujours reconnus à leur juste valeur.
Mon autre source principale d’inspiration est le cinéma. Je fais partie de la génération magnétoscope : celle qui a découvert les films non pas dans les ciné-clubs mais directement sur le petit écran avec, pour conséquence, la possibilité de passer et repasser la même scène, autrement dit, la possibilité de « déconstruire » le film et d’en assimiler plus facilement les fondations et les techniques. Je suis certain que cela a eu une influence sur ma façon d’écrire.
Autre source d’inspiration majeure : les séries télévisées anglo-saxonnes de qualité : Six Feet Under, LOST, Les Sopranos, MI5, 24 heures chrono. C’est là que se trouvent aujourd’hui les narrations les plus innovantes, les sujets les moins formatés et les auteurs les plus inspirés.
En fait, la fiction, sous toutes ses formes, joue un rôle important dans ma vie. Elle nourrit mon imaginaire de romancier, bien sûr, mais est aussi une source de plaisir et de protection contre la « vraie vie » qui peut parfois paraître désespérante, mais qu’il faut bien se « coltiner » néanmoins. Anais Nin a bien résumé ce sentiment en expliquant : « Je crois que l’on écrit pour créer un monde dans lequel on puisse vivre. »
Si, comme le héros de votre roman, il vous était possible de vous rencontrer vous-même avec trente ans de plus, quel homme voudriez-vous découvrir ?
Le simple fait de savoir que je serais encore vivant dans trente ans serait déjà une satisfaction ! Si en plus cet homme pouvait avoir été utile à ceux qui l’entourent, ce n’en serait que mieux.