Mon coup de foudre pour les romans remonte à mes dix ans. Jusque-là, les livres m’avaient toujours ennuyé et là, coup sur coup, j’ai lu deux histoires qui m’ont enthousiasmé : Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë et Dix Petits Nègres d’Agatha Christie.
Pendant toute mon adolescence, j’ai écrit mes propres histoires sous formes de petites nouvelles. A 18 ans, j’ai commencé mon premier roman, l’histoire d’un homme séparé de sa femme, une pianiste géniale et fantasque, qu’il retrouve alors qu’elle n’a plus que quelques semaines à vivre. J’ai d’ailleurs repris une petite partie de cette histoire dans Et Après, pour construire les personnages de Garrett Goodrich et de sa femme. J’ai mis trois ans à le terminer mais je ne l’ai pas envoyé aux éditeurs, conscient qu’il contenait les défauts propres aux premiers romans.
Qu’importe : je me savais capable de raconter une histoire sur trois cents ou quatre cents pages. La prochaine fois serait peut-être la bonne.
Mon premier roman publié, Skidamarink, date d’il y a trois ans. Il s’agissait d’un thriller sur fond de mondialisation économique qui partait de l’hypothèse du vol de la Joconde.
À la fin de mes études, j’ai beaucoup hésité entre le monde de l’entreprise et celui de l’Education Nationale. J’ai finalement choisi de devenir professeur, d’autant plus que ma discipline, l’économie, me donne l’opportunité d’enseigner une matière « vivante » en prise directe avec l’actualité.
Aujourd’hui, être professeur c’est travailler sur l’humain. Les élèves arrivent en classe avec leurs soucis, leurs attentes.Il n’y a pas de routine et il faut être capable de faire face aux situations les plus diverses. A côté des difficultés que connaît actuellement l’école et dont on parle abondamment, cette profession continue néanmoins a être porteuse de moments très gratifiants. Parallèlement à ce travail à plein temps, j’essaye d’écrire tous les jours.
Comme les journées ne sont pas extensibles, j’écris souvent le soir très tard et pendant une partie de la nuit même si, dans l’absolu, je suis plus « productif » le matin. Cette régularité dans le travail est essentielle car même la prétendue « inspiration » demande des efforts. En fait, je n’attends pas d’avoir des idées pour me mettre à travailler mais c’est souvent parce que je travaille que me viennent des idées.
Votre roman se déroule à New York. Pourquoi ce choix d’écrire un roman à l’américaine ?
Le lieu est important car, en posant le décor, il contribue a la crédibilité de l’histoire. Bien sûr, Et après… pourrait se passer n’importe où : à Paris, Londres, Tokyo… Mais lorsque les premières images du livre ont commencé à surgir dans mon esprit, il n’y a pas eu de doute possible : c’était New York pendant la période de Noël. Car il s’agit d’un lieu ou on a l’impression que tout peut arriver. C’est une ville que je connais bien pour y avoir travaillé pendant plusieurs mois lorsque j’avais 19 ans comme vendeur de crèmes glacées et chaque fois que j’y retourne j’éprouve la même fascination. Mais à partir du moment où j’avais fait ce choix, il fallait être précis dans la description de la ville et surtout de l’atmosphère.
Mon éditeur m’a donc envoyé à Manhattan pour faire quelques repérages. Enfin, une grande partie du roman a été écrite dans les mois qui ont suivi le 11 septembre. Avec les attentats, beaucoup de gens se sont rendus compte qu’ils étaient mortels. Certains ont quitté la ville, d’autres ont renoué avec un ancien conjoint ou ont fait un enfant. En tout cas, beaucoup se sont posés la question : si un autre attentat devait se produire, comment voudrais-je vivre mes derniers instants et avec qui ? Ce qui rejoint le sujet de mon roman. Attention, ce n’est pas une vision fataliste, ni morbide. Cette histoire est au contraire un hymne à la vie. Car si la mort nous échappe, nous sommes les seuls acteurs de notre existence et il ne tient qu’à nous de mettre à profit notre passage sur terre pour la rendre meilleure.
Nathan a vécu une Near Death Experience, une expérience de mort imminente dit-on en français. Est-ce quelque chose qui vous est proche ?
Pas exactement, même si j’ai eu il y a quelques années un accident de voiture qui m’a beaucoup marqué. Par chance, je n’ai pas été gravement blessé mais mon véhicule a été détruit. Moi qui n’avais jamais auparavant vraiment songé à la mort, j’ai pris conscience en une demi seconde qu’elle pouvait nous happer sans prévenir. Je pense que c’est à partir de cet accident que j’ai commencé à réfléchir à une histoire autour de la NDE.
Je me suis énormément documenté, lisant tous les livres sur le sujet que je pouvais trouver, ceux des précurseurs comme La vie après la vie de Raymond Moody, et les plus récents (La traversée de Philippe Labro.). Les NDE ne sont pas des phénomènes nouveaux : déjà Platon dans La République raconte l’histoire d’un soldat dans un champ de bataille qui vit une N.D.E. Ce qui est intéressant dans les témoignages c’est de voir qu’au retour de leur expérience, il reste à la plupart des « survivants » un amour de la vie et une attention aux autres, un peu comme s’il fallait avoir frôlé la mort pour apprécier pleinement la vie !
De plus, certains d’entre eux affirment, après leur coma, avoir reçu un certains nombres de dons, du simple développement d’un sens artistique jusqu’au pouvoir de précognition, ce qui m’a inspiré en tant que romancier. Puis, une lecture en amenant une autre, j’ai commencé à m’intéresser à l’accompagnement des mourants à travers les ouvrages d’Elisabeth Kübler-Ross (qui m’a beaucoup inspiré pour le personnage du Docteur Goodrich) et de Marie De Hennezel.
Le surnaturel fait irruption dans la vie de votre héros, justement avec ce Dr Goodrich qui dit pouvoir prévoir la mort des gens. Détient-il selon-vous un don ou une malédiction ?
Les deux, je crois. C’est un don dans la mesure ou ce pouvoir lui est donné en vue d’aider les gens. Goodrich rentre en contact avec des personnes qui vont mourir bientôt pour les inciter à mettre de l’ordre dans leur vie avant de partir et à se mettre en paix avec les autres et avec eux-mêmes.
D’un autre côté, c’est aussi une malédiction car psychologiquement ce pouvoir est une charge très lourde à porter dont on ne se défait jamais et qui est donc réservé à des êtres exceptionnels.
L’histoire d’amour que vous avez créée entre Mallory et Nathan est d’une force rare. Est-il plaisant pour vous d’écrire autour des sentiments humains ?
Je n’imagine pas écrire un livre qui ne comporte pas une histoire d’amour ! Car c’est l’amour ou le manque d’amour qui guident une bonne partie des comportements humains. Pour reprendre la formule de Christian Bobin : « C’est toujours de l’amour dont nous souffrons même quand nous croyons ne souffrir de rien. » Pour autant, je déteste le mièvre et le mielleux. D’ailleurs, Et après... n’est pas à proprement parler un « roman d’amour ».
C’est l’histoire d’un homme qui, persuadé qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre va tenter de retisser des liens qu’il avait laissé se distendre. On trouve donc une pluralité de sentiments : l’amour dans le couple avec son ancienne femme qu’il tente de reconquérir, l’amour filial avec sa petite fille, l’amour parental avec sa mère et enfin une histoire d’amitié et d’apprentissage avec le Docteur Goodrich qui, à sa façon, va jouer le rôle de mentor et d’initiateur à quelque chose qu’on ne découvre qu’à la fin du livre.
La fin de votre livre justement est très surprenante…
Oui, il y a un vrai retournement de situation, une « chute » qui donne à l’histoire une toute autre signification. Bien sûr, toutes les histoires ne se prètent pas à ce traitement mais j’ai toujours été fasciné par les films ou les romans qui parvenaient à créer une vraie surprise dans leur dénouement. Tout le monde se souvient par exemple de la fin de Psychose, de Sixième sens, de Usual Suspects ou du Meurtre de Roger Ackroyd.
Quelles sont vos admirations et inspirations littéraires ? et cinématographiques ?
Parmi les classiques, Belle du Seigneur d’Albert Cohen est sans conteste le roman qui m’a le plus marqué. Parmi les contemporains étrangers, Stephen King, pour sa capacité à faire surgir l’angoisse dans le quotidien, Patricia Cornwell parce que je m’identifie sans mal à son héroïne, Caleb Carr, l’auteur de L’aliéniste, pour l’humanité de ses personnages.
Pour écrire, je m’inspire également des maîtres du thriller américain (Grisham, Crichton…), non pas tant dans les thèmes traités que par leur façon de construire un chapitre et de bâtir une histoire.
Parmi les contemporains français je suis un fan absolu de Jean-Christophe Grangé pour la fièvre qui imprègne toutes ses pages et de Tonino Benaquista.
Le cinéma est mon autre grande source d’inspiration. Bien entendu, un livre n’est pas un film mais dans certains chapitres j’essaye d’avoir un style très visuel avec une structure très découpée et un rythme soutenu.
J’apprécie particulièrement les films d’Alfred Hitchcock et les grandes comédies classiques américaines de Billy Wilder (Sept ans de réflexion, La Garçonnière…) et d’Ernest Lubitsh (The shop around the corner…). Et dans les films plus récents, Sixième sens, Le Silence des agneaux, Sleepers, la trilogie Bleu, Blanc, Rouge de Krystof Kieslowski, Magnolia, Un jour sans fin…
Avez-vous déjà pensé à écrire un scénario ?
Oui, j’ai deux projets sur lesquels je travaille quand les romans m’en laissent le temps : un tourné vers le thriller, un autre vers la comédie. Et puis, j’aime beaucoup les séries qui permettent de suivre les personnages sur une longue période. Par exemple, j’ai vraiment été emballé par Six Feet Under.
Avez-vous une idée de ce que sera votre prochain roman ?
Je sais déjà qu’il débutera à Manhattan par la rencontre entre un homme et une femme qui n’auraient jamais dû se croiser. Il y aura du suspense, une histoire d’amour et, probablement, encore une petite touche de surnaturel…