Brutalement, cette histoire qui avait débuté comme une chronique familiale bascule dans le thriller lorsqu’ils se retrouvent accusés de meurtre. Fugitifs malgré eux, Nikki et Sebastian vont peu à peu se rendre compte que la disparition de leur fils n’est que la partie visible d’un engrenage infernal aux ramifications inattendues.
C’est vrai, notamment au détour de joutes verbales dans lesquelles se lance ce couple qui s’aime encore sans jamais se le dire. Dans un roman à suspense, l’humour permet aussi de ménager des pauses dans le crescendo de la tension pour ne pas être artificiellement sur la corde raide pendant 400 pages.
Là encore, les modèles indépassables sont pour moi les couples hitchcockiens : que l’on songe par exemple à la complicité entre James Stewart et Grace Kelly dans Fenêtre sur cour ou à l’alchimie glamour unissant Cary Grant à Eva Marie Saint dans La Mort aux trousses.
Justement, en parlant de couple, votre roman peut aussi se lire comme une « comédie du remariage » contemporaine.
C’est en effet une autre de mes références revendiquées. Depuis longtemps, je suis un grand admirateur de la screwball comedy hollywoodienne : ces films américains sortis dans les années 30 et 40 – souvent d’ailleurs avec Cary Grant et Katharine Hepburn – qui posèrent les bases de la comédie romantique. J’en aime le rythme soutenu, les répliques pleines d’esprit et le renversement de rôles au sein du couple qui fait du personnage féminin l’élément moteur de l’action. Parmi ces films, mes préférés sont effectivement les « comédies du remariage » dont les exemples les plus connus sont His Girl Friday d’Howard Hawks et The Philadelphia Story de Leo McCarey. Ces films mettent en scène un couple séparé ou divorcé qui, pendant toute la durée de l’action, va vivre un parcours initiatique, une sorte de « jeu du chat et de la souris » qui lui donnera la possibilité de se retrouver.
C’est exactement ce qui arrive à mes héros, Nikki et Sebastian. Après un divorce houleux et traumatisant, chacun avait bien pris soin de reconstruire sa vie le plus loin possible de l’autre, mais lorsque leur fils disparaît, ils n’ont plus d’autre choix que de collaborer et d’unir leurs forces retrouvant malgré eux une intimité qu’ils avaient tout fait pour oublier.
Je trouve cette thématique des retrouvailles beaucoup plus riche et complexe que les comédies romantiques formatées qui mettent habituellement en scène un homme et une femme au début de leur histoire d’amour lorsque tout est encore neuf et beau. Ici, le couple a déjà un passé commun et chacun connaît les forces et les faiblesses de l’autre. Dès lors, l’intrigue devient presque un prétexte pour créer des situations qui vont permettre à ce couple de renaître de ses cendres, de se réinventer et de trouver un nouvel équilibre.
L’action du roman est très resserrée. Pendant quelques jours, vos personnages sont plongés dans des univers, dont ils ne maîtrisent pas les codes : les bas-fonds de Brooklyn, le Paris interlope, Rio, la forêt amazonienne. Pourquoi un tel choix ?
Parce que l’omniprésence du danger et de l’inconnu va jouer pour mes deux héros comme un révélateur de personnalité. Nikki a du cran. C’est une femme guerrière, combative et physique alors que Sebastian est un homme plus pondéré, plus cérébral et beaucoup moins doué pour l’action.
Cet antagonisme et les conflits qu’il génère me permettent, au début du roman, de mettre en scène des oppositions marquées, ce qui est toujours intéressant en termes d’efficacité des dialogues et de présentation des personnages. Puis, au fur et à mesure que l’intrigue avance et que le danger se fait plus fort, chacun va se remettre en question et accomplir une sorte de trajectoire accélérée qui ouvrira la voie à un rapprochement et à une complémentarité, condition sine qua non pour le couple d’avoir une chance de retrouver son fils.
Vous avez été en 2011 le romancier français le plus lu et vous connaissez le succès depuis 2004. Le titre de votre dernier roman, Sept ans après, sonne justement comme un rappel de votre premier succès, Et après. Faut-il y voir une volonté de mesurer le chemin accompli ?
Un simple clin d’œil tout au plus. Il est vrai que Sept ans après… a été écrit en grande partie pendant l’année 2011, soit 7 ans après le succès de Et après… Il est vrai aussi que ces années auront été intenses, vécues à la fois dans le bouillonnement créatif et les rencontres avec les lecteurs en France et à l’étranger.
Mais ma nature me porte à toujours me projeter vers l’avenir, d’autant plus qu’il n’y a chez moi aucune lassitude dans l’écriture. J’y prends au contraire de plus en plus de plaisir et je sais désormais que j’écrirai encore pendant des années. D’abord parce que j’ai de nombreuses idées de roman « en réserve » et ensuite parce que je suis impatient d’explorer de nouveaux territoires de création. À une époque saturée d’écrans, de zappings et de technologie, j’aime l’idée que de simples mots posés sur le papier puissent provoquer du rêve, de la peur, des émotions…
Depuis trois romans, vous avez abandonné la dimension surnaturelle qui imprégnait vos premiers livres pour une veine plus policière. Est-ce un renoncement définitif ?
En ce moment, il est vrai que mon genre de prédilection est le roman à suspense, car il permet de concilier le plaisir de lecture avec la possibilité de traiter – de façon peut-être plus mature qu’avec le surnaturel – de certains thèmes qui me sont chers : la famille, le couple, les transformations du monde, les dérèglements de l’humain. Mais mon grand plaisir reste de mélanger les genres. C’est, je crois, ce qui fait mon originalité : jouer avec les codes et revisiter certains thèmes en essayant de les traiter de manière novatrice. Je fais aussi très attention à ce que mon écriture ne devienne pas mécanique. Plutôt mourir que d’écrire deux fois le même livre, car le plaisir de l’écriture tient aussi à celui de savoir innover et de parvenir à se surprendre soi-même.
Justement, au fil des années, votre méthode d’écriture a-t-elle changé ?
Comme un artisan, disons que je maîtrise beaucoup plus mon savoir-faire. Mes histoires ont des intrigues plus denses et mes personnages sont plus nuancés. Ce qui n’a pas changé, c’est mon attachement à ce que mes romans procurent un plaisir de lecture et offrent un vrai moment d’évasion. Ma priorité reste donc le côté addictif de l’histoire, la volonté d’adopter une narration moderne qui entraîne le lecteur dans mon univers.
Cela dit, le processus de création reste toujours très mystérieux : une étincelle, des flashs qui fusent, des idées qui s’imbriquent et s’agrègent pour, petit à petit, former la trame d’une histoire…
Concernant l’écriture proprement dite, le genre qui est le mien m’impose de mettre en place une ossature solide et d’être vigilant à la cohérence de l’intrigue, mais je me lance désormais beaucoup plus rapidement dans la rédaction. Je me laisse guider par le déroulement de l’histoire et je me fais davantage confiance pour trouver des solutions en cas de blocage. Beaucoup de rebondissements s’imposent dorénavant pendant la rédaction du roman.
Cette spontanéité et cette assurance sont relativement nouvelles chez moi. Si elles impliquent une plus grande incertitude, elles ont aussi quelque chose de plus instinctif et pour tout dire, de plus jubilatoire !